Soumis par admin le jeu 20/10/2016 - 10:56
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Comment l’arbre vasculaire du ganglion lymphatique évolue au cours de la réponse immunitaire ? En mettant bout à bout des « tronçons » de nouvelles cellules vasculaires puis en éliminant les nouveaux comme les vieux vaisseaux révèlent aujourd’hui 2 groupes de recherche conduits par Marc BAJENOFF du Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (CNRS, INSERM, Aix-Marseille Université) et Frederick KLAUSCHEN de l’Institut de Pathologie de l’Université de Médecine de la Charité à Berlin. Une découverte, doublée d’une avancée technologique, présentées dans la revue Immunity datée du 18 octobre 2016.

La réponse immunitaire à une agression s’initie dans de petits organes de moins d’un centimètre, les ganglions lymphatiques, où les lymphocytes encore naïfs rencontrent pour la première fois l’antigène qui les activera : le ganglion peut ainsi doubler de volume en moins de 24h avant de retrouver sa taille normale une fois le travail terminé. Depuis plusieurs années, l’équipe de Marc BAJENOFF tente de comprendre l’implication des différentes cellules de soutien du ganglion dans ce remodelage. Après avoir en partie révélé la contribution des cellules stromales, les chercheurs se sont attaqués à une autre composante clef du phénomène : le réseau vasculaire du ganglion.

Pour pénétrer dans l’intimité du ganglion, les lymphocytes doivent d’abord transiter du sang vers le tissu lymphoïde ganglionnaire, une étape pas si ordinaire puisque la paroi des vaisseaux constitue une barrière étanche entre le sang et les tissus environnants. En pratique cette migration trans-endothéliale se déroule au sein de micro-veinules appelées HEV (High Endothelial Venule). En conditions normales, ces cellules extrêmement différenciées expriment à leur surface une molécule qui sert de point d'ancrage aux lymphocytes, leur permettant ainsi de rouler le long de la paroi du vaisseau puis de la traverser et de rejoindre le ganglion. Lorsque la réponse immunitaire est engagée, ces cellules, douées d'une grande plasticité, vont en quelque sorte « rajeunir » et donner naissance à de nouveaux vaisseaux qui permettent d’augmenter le recrutement des lymphocytes et d’alimenter en oxygène et en nutriments le ganglion, alors en pleine expansion.

 

Un arc en ciel dans l'arbre vasculaire ganglionnaire !

Jusqu’à présent, les chercheurs ne disposaient cependant pas d’une technique leur permettant d’observer en haute résolution chez l’animal la dynamique de cet arbre vasculaire à l’échelle cellulaire : la microscopie intra-vitale ne permet pas d’observer un phénomène qui dure plusieurs semaines comme le remodelage d’un ganglion tandis que la tomographie manque de résolution. Pour résoudre ce problème, l’équipe a combiné imagerie sur cellule unique et approche macroscopique et adapté un système de marquage multicolore, baptisé Brainbow, initialement utilisé pour suivre la dynamique des circuits neuronaux.

« Pour identifier et suivre les cellules endothéliales vasculaires du ganglion, nous avons fait en sorte que chacune d’entre-elles produise un marqueur fluorescent de couleur unique (jaune, orange, rouge, vert, violet ou bleu) » explique Marc Bajenoff. « Grâce à ce marquage génétique, chaque cellule endothéliale transmet sa couleur à ses descendantes ce qui permet de visualiser l’origine et le devenir des différentes branches de l’arbre vasculaire ». Pour étudier la complexité de cette organisation, les chercheurs ont développé une technique permettant d’imager ce modèle 3D à l’échelle cellulaire. Un travail qui a nécessité de coupler la microscopie confocale à une technique de clarification, et ce afin d'obtenir des coupes suffisamment larges (200-250µm contre 20µm pour les images classiques) mais aussi transparentes.

Résultat : au cours de la réaction immunitaire, ce sont essentiellement les cellules HEV qui contribuent de façon segmentaire à la croissance de l’arbre vasculaire, assemblant tour à tour des « blocs monochromatiques » à la façon d’un arc en ciel.

Retour à l'homéostasie, un processus aléatoire

Qu'advient-il de ce réseau vasculaire lorsque le ganglion retrouve sa morphologie normale une fois la réponse immunitaire terminée ? Là encore, faute d’un model adapté, personne n’était encore parvenu à résoudre cette énigme. En réponse, l’équipe a utilisé un autre modèle de souris qui permet cette fois de marquer les cellules en manque d’oxygène et de suivre leur devenir. En observant les souris pendant deux mois (du déclenchement à la fin de la réaction immunitaire), les chercheurs ont démontré que cette réorganisation ne concernait pas uniquement les nouveaux vaisseaux mais l'ensemble du réseau vasculaire originel. L'arbre vasculaire devenu trop important pour les besoins du ganglion lymphatique est moins irrigué ce qui entraîne en retour une intense compétition entre les différents capillaires pour l'oxygène et les nutriments. 

« Le système vasculaire ne peut vraisemblablement pas se permettre de faire mourir une cellule sur deux car les capillaires sont des systèmes étanches, ce seraient donc des tronçons entiers qui seraient sacrifiés. En toute logique, ceux qui sont les plus hypoxiques devraient donc disparaitre de façon préférentielle » conclut Marc Bajenoff.

Clonal proliferation and stochastic pruning orchestrate lymph node vasculature remodeling

Isabelle Mondor, Audrey Jorquera, Cynthia Sene, Sahil Adriouch, Ralf Heinrich Adams, Bin Zhou, Stephan Wienert, Frederick Klauschen and Marc Bajénoff.

http://dx.doi.org/10.1016/j.immuni.2016.09.017