Co-fondateur et ancien directeur du CIML

Co-fondateur et ancien Directeur du CIML, le Professeur Michel Fougereau a contribué à l’avènement d’une véritable « école française de l’immunologie ». Il a créé le premier module d’enseignement d’immunologie en Faculté des Sciences, puis l’une des toutes premières écoles doctorales en Sciences de la Vie et de la Santé.  Il a terminé sa carrière comme conseiller pour ce secteur au Ministère de la Recherche.

 
De New-York à Paris, étude de la structure et de la diversité des anticorps

Diplômé de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, il est nommé assistant  au laboratoire central de recherche vétérinaire d’Alfort, dans le service d’Alain Paraf. En parallèle il suit les enseignements de la Faculté des Sciences de Paris dominés par deux figures de l’histoire de la biologie : le généticien Piotr Slononimski et le futur prix Nobel de Médecine Jacques Monod. Ce dernier lui ouvre alors les portes du prestigieux Institut Rockefeller de New-York où il prépare une thèse de doctorat d’Etat sous la direction de Gerald M Edelman. « À l’époque, Gerald Edelman tentait de résoudre l’un des énigmes les plus captivantes de la biologie : comment parvenons nous à fabriquer des millions d’anticorps différents à partir d’un nombre si limité de gènes ? » rappelle Michel Fougereau. « Les premières étapes passaient par l’élucidation de la structure des chaînes des immunoglobulines ». Huit ans plus tard, Gerald M Edelman et Rodney Porter verront leurs découvertes sur la structure moléculaire des anticorps récompensées par le prix de Nobel de Médecine.

De retour en France en 1965 au sein de la toute nouvelle station d’immunologie et de virologie de l’INRA créé par Alain Paraf à Thiverval-Grignon, il poursuit pendant un temps l’étude de la structure des immunoglobulines, cette fois chez le mouton et le porc.

De la « french séquence » à la création du premier centre d’immunologie « intégrale » : le CIML.

En 1969, il est nommé Professeur à l’Université d’Aix-Marseille. Avec son équipe du Centre de Biochimie et de Biologie Moléculaire du CNRS de Marseille, il engage alors des travaux inédits sur la structure des anticorps qui aboutiront quelques années plus tard à la première séquence complète d’une immunoglobuline de souris, connue aux Etats-Unis sous le nom de « french sequence ». Ce travail de longue haleine lui permet d’aborder divers problèmes relatifs à la génétique des anticorps, en collaboration avec plusieurs groupes de l’Institut Pasteur, dont celui de Jacques Oudin, « l’inventeur » des concepts d’allotypie et d’idiotypie.

En 1973, le directeur du CNRS de l’époque, Claude Levy, propose à Michel Fougereau, de créer à Marseille-Luminy un institut CNRS de recherche en immunologie, une idée qui sera partagée par François Kourilsky qui entend lui aussi d’implanter une unité Inserm dans cette discipline. Le CIML nait en 1976 d’une fusion de ces 2 approches, rendue possible par l’accord des deux tutelles. « L’objectif était de fédérer sur un même site des équipes de recherche issues de différentes villes de France et d’ouvrir ce lieu aux immunologistes du monde entier » rappelle Michel Fougereau. Une culture d’ouverture farouchement préservée par les membres actuels du CIML, puisqu’il abrite encore aujourd’hui 24 nationalités parmi lesquels 6 des 17 chefs d’équipes. Parmi ces pionniers, on retrouve à l’époque Michel Delaage, venant également du CBBM de Marseille et futur fondateur de la société Immunotech, Claude Mawas spécialiste du système HLA, et Pierre Golstein qui cherche alors à comprendre comment les lymphocytes T tuent les cellules cancéreuses on infectées. Les travaux de ce dernier aboutiront notamment à la découverte du récepteur CTLA-4 qui donnera naissance, 15 ans plus tard, à un anticorps monoclonal utilisé avec le succès que l’on sait en immunothérapie anti-cancéreuse.

De l’introduction des méthodologies de la biologie moléculaire à l’étude de la différenciation des lymphocytes B

Après avoir résolu l’énigme du répertoire, les chercheurs s’attaquent cette fois aux multiples acteurs cellulaires et moléculaires impliqués dans la réponse immunitaire. « A la fin des années 70 , l’attention est essentiellement focalisée sur les acteurs de l’immunité adaptative » souligne Michel Fougereau. « C’est le temps des grands travaux sur l’origine génétique de la diversité des immunoglobulines  et des lymphocytes  T et les limites de la reconnaissance du soi et du non soi ». Dans cette optique, le CIML se dote dès son ouverture de la panoplie des outils biochimiques nécessaires (séquençage des acides aminées, séparateur de peptides…), puis lance sa première plateforme de biologie moléculaire grâce à laquelle Bertrand Jordan conduira avec succès le premier séquençage d’un gène du système HLA.

De retour d’un séjour sabbatique à l’Institut Pasteur de Paris, Michel Fougereau se concentre alors sur les premiers stades de la vie des lymphocytes B et son équipe développe les outils qui permettront d’explorer les étapes précoces de leur différenciation dans la moelle osseuse en passant cette fois du système murin au modèle humain. L’identification d’un transcrit homologue du gène lambda 5 de la souris constituera la première étape d’une démarche qui sera poursuivie avec succès par Claudine Schiff jusqu’à la caractérisation structurale et fonctionnelle du récepteur pré-B humain, et l’identification de son ligand.

De l’enseignement d’une « nouvelle discipline » à l’essaimage académique et industriel.

La contribution de Michel Fougereau ne se limite pas aux portes de son laboratoire : dès l’origine il entend être aussi un « passeur de science ».  Il créé ainsi le premier module d’enseignement d’immunologie à la Faculté des Sciences. Pour la discipline cette étape constitue un tournant tant sur la forme (jusqu’au début des années 70, cet enseignement universitaire est exclusivement dispensé par les facultés de médecine) que sur le fond : la formation s’articule autour de 4 thèmes - immunologie moléculaire, cellulaire, immunogénétique et immuno-pathologie - enseignés largement par les chercheurs du CIML. Dans la foulée, il publie un ouvrage, « Eléments d’immunologie fondamentale » qui accompagnera plusieurs générations d’étudiants, développe l’enseignement de second cycle et de troisième cycle en immunologie puis lance en 1992 à Marseille l’une des premières écoles doctorales en sciences de la vie et de la santé. Quarante ans après la naissance du Centre d’Immunologie, l’école doctorale est l’une des plus importantes de France (600 étudiants et 120 thèses en moyenne par an) et le CIML est également considéré comme l’une des meilleures écoles de recherche en immunologie du monde. La diffusion pour le grand public est également assurée à travers son Que-sais-je ? « L’immunologie » et divers articles généralistes.

L’un des premiers étudiants de ces enseignements, Bernard Malissen, allait devenir l’un des plus brillants fleurons du CIML, qu’il a dirigé pendant dix ans et « rénové » avec le soutien éclairé de son administrateur Daniel Francal, avant de créer sur Luminy le centre d’Immunophénomique CIPHE. C’est l’un des essaimages les plus récents, précédés depuis longtemps par beaucoup d’autres. Dès 1981, soit 3 ans avant l’attribution du prix Nobel à G. Köhler et C. Milstein, François Kourilsky implante au CIML la technologie des anticorps monoclonaux après un séjour sabbatique à Oxford.  Quelques mois plus tard, il participe au montage d’Immunotech, qui, sous la brillante conduite de Michel Delaage et Antoine Béret va connaître le succès que l’on sait. Parallèlement, la technologie des anticorps monoclonaux sera largement exploitée par plusieurs équipes du CIML, et en particulier par Michel Pierres qui l’a maîtrisée en virtuose.

Depuis cette date, le CIML a continué à contribué à essaimer, directement ou indirectement, toutes les étapes de la chaîne de l’innovation : la recherche fondamentale (le CRCM), la recherche translationnelle (MI-mAbs, CIPHE et le laboratoire TAGC) et l’industrie (Innate Pharma, Ipsogen, Oz-Biosciences…), puis plus récemment, à travers le cluster Marseille Immunopole, lancé à l’initiative de son actuel directeur Eric Vivier, grand spécialiste de l’immunité innée.

Ainsi, les héritiers de la structure INSERM-CNRS créée il y a 40 ans, et élargie plus récemment à Aix-Marseille-Université, peuvent-ils et doivent-ils se sentir investis de l’esprit pionnier qui constitue encore aujourd’hui la « marque de fabrique » de ses deux co-fondateurs.

Biographie

Parcours

Michel Fougereau, Docteur Vétérinaire et Docteur ès Sciences, est professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille (AMU). Il débute sa carrière au Laboratoire Central de Recherches Vétérinaires d’Alfort, rejoint l’Université Rockefeller de New-York où il prépare sa thèse de sciences, puis rejoint l’INRA à Thiverval-Grignon avant d’être nommé professeur à Marseille, et chef d’équipe au Centre de Biologie Moléculaire du CNRS. Co-fondateur du CIML, il y migre avec son équipe dès son ouverture. Il termine sa carrière comme conseiller pour les sciences de la vie et de la santé au Ministère de la Recherche.

Travaux scientifiques

Les travaux scientifiques de son équipe sont d’abord centrés sur la structure et l’origine génétique de la diversité des immunoglobulines, avant de s’orienter vers l’étude des étapes précoces de la différenciation des lymphocytes B humains, en liaison avec certains déficits immunitaires primitifs.

Contributions à l’enseignement de l’immunologie

Michel Fougereau a joué un rôle essentiel dans l’organisation de la formation dans cette discipline. Il a créé à Luminy les enseignements de deuxième et troisième cycles en immunologie, a fondé et dirigé l’Ecole doctorale des sciences de la vie et de la santé de Marseille dès 1992 et organisé à plusieurs reprises des cours internationaux sous les auspices de l’OTAN. Enfin, il a créé le cours annuel de la Société Française d’immunologie.