Une exploration de multiples voies menant à la mort cellulaire

L'équipe de Pierre Golstein a d'abord étudié les mécanismes de la mort cellulaire en explorant la fonction des lymphocytes T CD8 cytotoxiques, des globules blancs tueurs qui peuvent éliminer des cellules potentiellement nocives (cellules stressées, infectées ou cancéreuses). L'équipe a montré que les cellules T cytotoxiques utilisent un arsenal varié pour délivrer un signal conduisant à la mort cellulaire et a contribué à l'identification des deux principaux mécanismes en jeu, soit à base de Fas, soit à base de perforine et granzymes. En cours de route, cette équipe a identifié en particulier deux molécules, CTLA-4 et IL-17, désormais utilisées à des fins immunothérapeutiques.

L'équipe a ensuite exploré les mécanismes de deux modèles de mort cellulaire développementale, la mort cellulaire interdigitale chez la souris et la mort cellulaire de la tige de Dictyostelium. Cette dernière sera discutée plus en détail ci-dessous.

 

« Après avoir étudié comment les cellules tueuses tuaient, j’ai voulu comprendre comment les cellules cibles mouraient » dit-il simplement pour expliquer sa première mutation scientifique. Ainsi, son intérêt pour la mort cellulaire s’est-il déplacé vers des questions relatives au développement « La mort cellulaire est un élément central du développement et du renouvellement des organismes » explique Pierre Golstein « c’est un phénomène normal, et même vital : en permanence des cellules « âgées » potentiellement défectueuses sont remplacées par des cellules neuves, sans que notre organisme soit modifié. Le contrôle de cet équilibre entre destruction et renouvellement cellulaire est un phénomène absolument extraordinaire ! ».

À l’époque, il choisit d’étudier les cellules situées dans les espaces interdigitaux de l’embryon de souris, cellules dont la disparition conduit à l'individualisation des doigts. Il démontre alors que ce scénario peut faire intervenir deux types distincts de mort cellulaire, l’apoptose ou la nécrose. Pierre Golstein raconte ainsi ses résultats : « lors du développement des extrémités de membre de souris, la disparition des cellules interdigitales obéit à un processus de mort apoptotique, programmé dans le temps et dans l’espace. Cependant, chez les souris dans lesquelles un gène clef de l’apoptose a été inactivé, les cellules interdigitales sont toujours éliminées mais cette fois par nécrose. Pour parvenir aux mêmes fins, un autre mécanisme de mort s’est substitué au précédent. »

L’auto-cannibalisme d’une amibe
devenue « rat de laboratoire »

Afin d’étudier plus aisément les morts cellulaires non-apoptotiques, Pierre Golstein change alors de modèle expérimental. Plutôt que de poursuivre l’étude des mécanismes de mort cellulaire chez la souris, il travaillera désormais sur Dictyostelium discoideum, un organisme unicellulaire facile à manipuler génétiquement et ne possédant que des machineries de morts non-apoptotiques.

Ce qui intéresse plus particulièrement l’équipe de Pierre Golstein, c’est qu’il existe chez Dictyostelium un système de mort cellulaire autophagique, qui inclut un processus d’autophagie (la digestion par une cellule de certains de ses propres constituants), mais nécessite aussi un second signal. Cette mort autophagique de Dictyostelium peut être induite en culture par la privation de nutriments puis l’ajout de DIF1, un facteur de différenciation qui constitue un tel second signal.

L’équipe cherche aujourd’hui à identifier d’autres molécules impliquées dans ce processus de mort autophagique, à l’aide de techniques de mutagenèse aléatoire. Un vecteur, une séquence d’ADN « neutre », est introduit dans des cellules de Dictyostelium : il s’insère au hasard dans le génome, éventuellement dans un gène qui est ainsi inactivé. La mort autophagique est induite dans la population cellulaire et on s'intéresse alors aux seules cellules survivantes. « Si une cellule survit, c’est parce que le vecteur a inactivé un gène qui était nécessaire à sa mort » commente Pierre Golstein. « Ensuite, pour connaître l’identité de ce gène, il suffit d’extraire le vecteur du génome, avec les parties adjacentes qui font partie du gène d’intérêt que l’on peut alors identifier par séquençage ».

Grâce à cette stratégie, Pierre Golstein et son équipe ont identifié une série de molécules nécessaires à la mort cellulaire autophagique. Aujourd’hui, l’équipe se consacre à l’identification et à l'étude d’autres molécules de ce type, certains d'entre elles ayant pu être conservées au cours de l'évolution.