Explorer les fonctions des cellules sentinelles du système immunitaire aux frontières du cerveau pour contrôler la neuroinflammation

Le Système Nerveux Central (SNC) est protégé par les méninges, une enveloppe à trois membranes qui fournit une structure dans laquelle une myriade de cellules sentinelles, résidentes du système immunitaire inné, bloquent les agents pathogènes menaçants ou activent le système immunitaire adaptatif en réponse à des réactions inflammatoires. La découverte récente de cette immunité innée méningeale complexe et dynamique signifie que la mise au point de nouveaux agents thérapeutiques ciblés pour le traitement des troubles neurologiques est envisageable.

 

 

"Rejane Rua et son équipe cherchent à élucider la complexité et la plasticité remarquables des cellules sentinelles de l’immunité afin de comprendre leur rôle dans la santé et dans la maladie."

Le Système Nerveux Central (SNC) est protégé par les méninges, une enveloppe à trois membranes qui fournit une structure dans laquelle une myriade de cellules sentinelles, résidentes du système immunitaire inné, bloquent les agents pathogènes menaçants ou activent le système immunitaire adaptatif en réponse à des réactions inflammatoires. La découverte récente de cette immunité innée méningeale complexe et dynamique signifie que la mise au point de nouveaux agents thérapeutiques ciblés pour le traitement des troubles neurologiques est envisageable.

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Diagramme schématique de l'anatomie des méninges à l'état d'équilibre montrant les trois couches (dure-mère, arachnoïde et pie-mère) couvrant la surface du cerveau. Composition immunitaire montrant le vaste répertoire de cellules sentinelles telles que les cellules dendritiques (Dendritic Cells ou DCs), les mastocytes (Mast Cells ou MCs), les cellules lymphoïdes innées (Innate Lymphoid Cells ou ILCs) et les Macrophages Méningés (MMs).
Copyright: Rejane Rua et Dorian McGavern, Trends in Molecular Medicine.

 

Équilibrer la réaction inflammatoire est essentiel au maintien de la physiologie d'un SNC en bonne santé, mais la réalisation de cet équilibre n'est pas un processus aussi simple ; une petite divergence peut perturber l'homéostasie du SNC et avoir des effets néfastes. Une réaction qui induit une rupture de la tolérance immunitaire du soi conduit à des maladies auto-immunes telle que la Sclérose En Plaques (SEP), une maladie inflammatoire démyélinisante. Par ailleurs, une immunosuppression peut entraîner une neuroinvasion par un agent pathogène et des infections du SNC. Étant donné que les cellules sentinelles jouent un rôle central dans la régulation de la neuroinflammation, une exploration anatomique et fonctionnelle détaillée des méninges est primordiale pour comprendre leurs rôles précis. En utilisant des technologies de pointe telles que la microscopie intravitale, l'histo-cytométrie, la cytométrie en flux fonctionnelle et les approches transcriptomiques unicellulaires qui permettent ensemble une investigation dynamique et précise des méninges dans les modèles de souris transgéniques et de type sauvage, Rejane Rua et son équipe cherchent à élucider la complexité et la plasticité remarquables des cellules sentinelles de l’immunité afin de comprendre leur rôle dans la santé et dans la maladie.

Les cellules CD4 + T helper 17 (TH17) et T-bet, le facteur de transcription T-box, jouent un rôle essentiel dans le déclenchement de la SEP et de l'Encéphalomyélite Auto-immune Expérimentale (EAE), le modèle murin de la maladie, mais les mécanismes précis par lesquels ces cellules quittent les méninges et les espaces périvasculaires pour infiltrer le parenchyme et déclencher une cascade d'événements conduisant à la démyélinisation des neurones étaient jusqu'à récemment inconnus. En utilisant des modèles de souris transgéniques déficientes en cellules sentinelles, de l'histo-cytométrie et de la microscopie confocale, Rejane Rua et ses collègues ont montré qu'un type spécifique de cellules les cellules lymphoïdes innées (ou ILCs) T-bet-dependent NKp46+ contrôlaient l’infiltration du parenchyme cérébral en générant un environnement de cytokines pro-inflammatoires dans les méninges. Ces résultats démontrent clairement que les cellules sentinelles des méninges jouent un rôle clé dans l'initiation de la neuroinflammation et ont donc aussi un rôle néfaste dans l'intégrité du SNC. Ce travail a fait la couverture de la prestigieuse revue Nature Immunology.

 

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A gauche, image de microscopie confocale des méninges montrant un foyer cellulaire inflammatoire, contenant des cellules T CD4 + auto-réactives TH17 (blanches), des cellules présentatrices d'antigène (rouge) et des cellules lymphoïdes innés (verts) au plus fort de la maladie EAE. Copyright : Rejane Rua et Vanja Lazarevic, Nature Immunology. À droite, Illustration montrant des groupes cellulaires inflammatoires.
Copyright : Lewis Long, Springer Nature Publishing AG.

 

Les sentinelles des méninges comprennent également les macrophages. Les Macrophages Méningés (MMs) résidents sont les cellules immunitaires les plus abondantes dans les méninges et explorent en permanence leur environnement. Cependant, on sait peu de choses sur la façon dont ils sont maintenus et régulés pendant et après une réaction inflammatoire. En suivant ces cellules lors de l’infection par le virus de la chorioméningite lymphocytaire (Lymphocytic ChorioMeningitis Virus ou LCMV) responsable de la méningite, Réjane Rua et ses collègues ont montré que le réservoir de ces MMs spécialisés était considérablement modifié, entraînant ainsi des déficiences à long terme de la fonction immunitaire. À l'aide d'approches génomiques, d'imagerie intravitale et de suivi de cellules, ils ont établi que lors d'une méningite virale, les MMs étaient éliminés par des lymphocytes T cytotoxiques (Cytotoxic T Lymphocytes ou CTLs) infiltrants, évacués et remplacés par une implantation à long terme de monocytes périphériques qui se différencient lors de l'exposition à la cytokine Interféron-. Les cellules implantées sont altérées, comme en témoigne la perte de capteurs bactériens et immunorégulateurs pouvant conduire à des infections récurrentes ou à une susceptibilité après des épisodes d'inflammation aigus.

 

Images 3D de microscopie biphotonique intravitale montrant la dynamique des cellules myéloïdes (vert) capturées sur des méninges de souris naïves Cx3cr1-GFP/+
(Vidéo 1 montrant les MMs à l'état stable) et sur des méninges de souris Cx3cr1-GFP/+ infectées par le LCMV au plus fort de la maladie, où les CTLs spécifiques du LCMV expriment une protéine fluorescente (rose)
(Vidéo 2 montrant les interactions entre les MMs et les CTLs au plus fort de la maladie). Les vaisseaux sanguins sont étiquetés avec du bleu Evans (rouge).
Copyright : Rejane Rua et al., Nature Immunology.

 

La régulation de la cinétique et de l'amplitude des réponses immunitaires des méninges pourrait être utilisée à l'avenir pour le traitement des troubles neuro-inflammatoires.

L'activation des ILCs lors du développement de la SEP et l’implantation de monocytes altérés au cours d’une méningite altèrent l'intégrité du SNC. Dans un cas, la démyélinisation consécutive à une inflammation des méninges et du parenchyme a un effet débilitant sur la fonction du SNC, dans l'autre cas, la dégradation des MMs induit une susceptibilité aux infections ultérieures. Ces découvertes ouvrent de nouvelles opportunités pour le développement de thérapies innovantes en ciblant ces cellules sentinelles de l’immunité méningeale. Réduire la puissance des ILCs éviterait de provoquer une neuroinflammation nuisible observée dans la SEP. La restauration du réservoir de MMs résidents empêcherait la perte de la fonction immunitaire après une réaction inflammatoire. Malgré les preuves cliniques et expérimentales montrant le rôle des méninges dans le contrôle de la neuroinflammation, les voies par lesquelles les cellules immunitaires et les agents pathogènes accèdent au SNC sont peu étudiées ; Réjane Rua et son équipe ont déjà commencé à apporter des précisions sur l'interaction complexe des cellules sentinelles et des molécules des méninges.