Les cellules stromales

Les cellules stromales sont des cellules de tissu conjonctif présentes dans tous nos organes. Au sein des organes lymphoïdes tels que les ganglions lymphatiques, elles constituent un support migratoire et nourricier pour les leucocytes. Dans les organes non lymphoïdes, elles sont surtout connues pour soutenir la fonction des cellules parenchymateuses. Cependant, de nombreuses évidences suggèrent que les cellules stromales contrôlent également l'homéostasie des cellules immunitaires résidant dans les tissus, comme les macrophages.

Notre laboratoire étudie (1) les fonctions immunorégulatrices des cellules stromales dans les organes lymphoïdes et (2) le dialogue entre les cellule stromales et les macrophages dans les organes non lymphoïdes.

 

AXE I

Immunobiologie des cellules stromales dans les organes lymphoïdes

 

“A readership consisting of primarily anatomists has every right to question the favorite sport of research workers in cell immunology. This is to take a lymphoid tissue and totally destroy its beautiful and elaborately designed architecture to obtain simple cell suspension of lymphocytes, which are then asked to do more or less all the jobs of the original anatomic masterpiece’’ Nossal, 1984.
 

Fonctions des cellules stromales lymphoïdes. Les ganglions lymphatiques sont composés de leucocytes (~95%) et de cellules stromales lymphoïdes (~5%) qui forment l’architecture de ces organes. Les cellules stromales ont été considérées pendant des décennies comme des éléments inertes du système immunitaire. Cependant, cette opinion a radicalement changé ces dernières années, lorsque l'on a découvert qu'elles étaient dotées de fonctions immunorégulatrices. Au sein des organes lymphoïdes, différents types de cellules stromales intéragissent pour créer des réseaux cellulaires tridimensionnels (3D) denses. Ceux-ci contrôlent la survie et la migration des lymphocytes, constituent le squelette interne de ces organes et fournissent les nutriments, les facteurs solubles, les antigènes et les différentes cellules immunitaires nécessaires à la "surveillance immunologique" et au développement de réponses immunitaires adaptatives. En l’absence des cellules stromales lymphoïdes, l’existence même de notre système immunitaire adaptatif serait compromise. Une meilleure compréhension de leur biologie est donc indispensable à notre compréhension du système immunitaire.
 

Dynamique des cellules stromales lymphoïdes. Chez les mammifères, les ganglions lymphatiques (LN) se développent au cours de l'embryogenèse suite à une série d'interactions cellulaires subtiles. Tôt après la naissance, les leucocytes colonisent les LN et orchestrent leur organisation. Bien que très complexe, la structuration de ces réseaux n'est pas définitive. Lors d’une infection, les LN gonflent rapidement et transitoirement suite à un remodelage important des différents réseaux de cellules stromales. Les mécanismes moléculaires sous-jacents sont mal compris. Ce manque de connaissances résulte de problèmes techniques inhérents à l'isolement et à la culture des cellules stromales, de l'incapacité à modéliser la complexité de l'organisation des LN in vitro et du manque de modèles animaux dédiés à leur étude. Notre recherche sur les cellules stromales vise à étudier l'origine et la dynamique des cellules stromales lymphoïdes, dans des conditions homéostatiques mais aussi dans des conditions inflammatoires. Notre objectif est de créer le premier "arbre phylogénétique" du développement et du remodelage du stroma lymphoïde à la résolution de la cellule unique. Puisque cet objectif ne peut être atteint par des techniques in vitro/ex vivo, nous développons des modèles murins de pointe nous permettant de cartographier le devenir des cellules stromales lymphoïdes in situ, dans leur micro-environnement naturel (figure 1).

A                                                                                    B

A

B

 

 

 

 

 

 


C                                                                    D

CD

 

Figure 1 : Dynamique des cellules stromales lymphoïdes.
(A) Dans la construction génétique Ubow, des paires incompatibles de sites lox (triangles bleus et noirs) s’alternent. En présence de la recombinase Cre, les événements d'excision 1 ou 2 peuvent se produire de manière stochastique. Avant l'action de Cre, seul le gène suivant le promoteur est exprimé (dTomato). La recombinaison induite par Cre induit l'expression de la CFP (1ère possibilité), ou de la YFP (2ème possibilité). Le choix de couleur est ensuite transmis aux cellules filles. (B) Des souris homozygotes pour la construction Ubow (et donc capables d'exprimer 6 couleurs distinctes) ont été croisées avec des souris Ubiquitin-CreERT2. Les souris adultes ont été traitées avec du tamoxifène afin de déclencher la recombinase Cre dans toutes les cellules de la souris. Divers organes ont été sectionnés et imagés par microscopie confocale un mois après la fin du traitement au tamoxifène. Notez les colonnes unicolores d'entérocytes à renouvellement rapide dans l'intestin (*) qui indiquent une filiation cellulaire. (C) Exemples de comportement prolifératif possible des fibroblastes de LN et des cellules endothéliales de LN lors d'une inflammation chez une souris Ubow. * indique des foyers de prolifération de fibroblastes révélés par des groupes de fibroblastes monocolores. (D) Utilité de la souris Ubow pour l'étude de la biologie des cellules stromales. Des souris Ubow++ Ubiquitin CreERT2 ont été irradiées et reconstituées avec des cellules de moelle osseuse non colorée. Les chimères reconstituées ont été traitées au Tamoxifène afin de déclencher la recombinaison stochastique des couleurs dans les cellules stromales radiorésistantes. Les animaux ont reçu une injection d'adjuvant et les LN drainants ont été imagés trois semaines plus tard par microscopie confocale. Notez la présence d'amas de fibroblastes monocolorés (*) dans la zone T et leur organisation en colonnes monocolores dans les follicules B. Aucun amas/colonne n'a été observé dans les LN non enflammées (non montré).

 

Axe II

Dialogue cellule stromale-macrophage dans les organes non lymphoïdes


“Macrophages can be thought of as a dispersed homeostatic organ” Gordon, 2017.

Le concept de la niche des macrophages. Tous nos organes contiennent des macrophages (Mϕ) en charge de soutenir les fonctions biologiques de leur tissu de résidence. Les Mϕ dépendent eux-mêmes de signaux environnementaux tels que CX3CL1, IL34, CSF1 et CSF2 pour leur développement et leur maintien. Il est actuellement admis que ces molécules sont dérivées de "niches de Mϕ" présentes dans tous nos tissus. Ces niches (i) fourniraient une structure d'ancrage tridimensionnelle aux Mϕ et (ii) les nourriraient par la production de signaux de survie. En retour, les Mϕ apporteraient à leur niche des signaux de "feedback" positifs, générant ainsi des circuits bicellulaires bénéficiant à chaque partenaire (figure 2). La nature de ces niches et leur rôle dans la régulation de l'homéostasie des Mϕ restent à étudier.

 

2

 

Figure 2 : Le concept de la niche de Mϕ
1- La niche de Mϕ fournit un support d'ancrage à son Mϕ.  
2- La niche de Mϕ produit des facteurs de survie pour son Mϕ.
3- Le Mϕ produit un signal de retour positif vers sa niche, créant un circuit bicellulaire vertueux.

 

Les cellules stromales sont des niches de Mϕ. Tout comme les Mϕ, les cellules stromales telles que les fibroblastes, les cellules épithéliales et les cellules endothéliales sont des cellules omniprésentes dans notre organisme. Dans les organes lymphoïdes, les cellules stromales agissent comme des niches pour les cellules T et B en fournissant des facteurs de survie et en créant des réseaux cellulaires tridimensionnels sur lesquels les lymphocytes migrent activement. Récemment, nous avons démontré que les cellules stromales régulent également l'homéostasie des Mϕ via la production de CSF1 dans les LN et la rate, fournissant ainsi la première preuve de principe que les cellules stromales peuvent représenter un composant essentiel de la niche de Mϕ dans les organes lymphoïdes. De plus, nous avons maintenant réuni de solides preuves démontrant que ce phénomène n'est pas une exception mais plutôt la règle dans tous les tissus. Nos recherches dans ce domaine sont axées sur (i) l'établissement du premier atlas intégratif des niches de Mϕ à travers les tissus, (ii) le déchiffrage des mécanismes moléculaires permettant un dialogue stroma-Mϕ et (iii) l'élucidation des rôles physiologiques de tels circuits stroma-Mϕ.