L'immunité innée au niveau des muqueuses

Les muqueuses représentent la frontière entre notre corps et l'environnement, et elles constituent la première barrière contre les infections. Par conséquent, les réponses inflammatoires doivent être finement régulées pour combattre l'infection sans causer de dommages excessifs ou interférer avec le processus de réparation. Un déséquilibre de ces processus pourrait entraîner la perte de la fonction de barrière et de la fonctionnalité des tissus.

a)    Comment la production et les fonctions des médiateurs immunitaires sont régulées dans la muqueuse intestinale et leur implication dans la pathogenèse des maladies inflammatoires de l'intestin (MICI).
b)    Explorer comment la malnutrition affecte l'écosystème intestinal et les réponses immunitaires.
c)    Déterminer comment la régulation du métabolisme de la vitamine B5 par l'enzyme Vnn1 affecte la réparation des tissus et les réponses immunitaires dans l'intestin.


Axe 1 : Exploration du rôle des interférons de type III dans l'intestin.
P.I. Dr. Achille Broggi, CE CRCN

 Les muqueuses représentent notre interface avec l'environnement et sont la première ligne de défense contre les agents pathogènes. Leur fonction de barrière physique signifie que le processus inflammatoire doit être étroitement régulé pour combattre les agents pathogènes envahissants tout en limitant les dommages collatéraux aux tissus propres. Chez un individu sain, cet équilibre permet une réparation efficace et le rétablissement de la barrière une fois l'infection résolue.

Nous avons découvert qu'une classe de cytokines antivirales appelée Interféron Lambda (IFN-λ) joue un rôle important dans ce contexte.

En effet, si l'IFN-λ agit principalement sur les épithéliums des muqueuses afin de les protéger directement des infections virales pathogènes, nous avons également constaté qu'il possède une activité régulatrice spécifique sur les cellules inflammatoires (neutrophils)

                                            A                                                        B

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La crypte intestinale après l'irradiation.
Lames d'histologie représentant la muqueuse de l'intestin grêle de souris A) saines, B) présentant des lésions épithéliales après irradiation. Après un dommage, les cellules épithéliales intestinales prolifèrent et reconstituent la fonctionnalité du tissu. Nous nous intéressons au rôle de l'IFN-λ dans ce contexte.

 
Cette double action de l'IFN-λ assure le contrôle efficace des pathogènes viraux et, en même temps, contrôle les réactions inflammatoires potentiellement nuisibles.

Cependant, nous avons récemment découvert que l'IFN-λ a un côté sombre. En effet, lorsque l'IFN-λ est exprimé de manière aberrante à la fin d'une infection virale, il peut altérer la capacité des cellules épithéliales à proliférer et à réparer les tissus endommagés. Dans ces conditions pathologiques, l'IFN-λ peut inhiber la réparation et la résolution de l'inflammation, qui sont nécessaires à la guérison.

Cette capacité de l'IFN-λ à protéger les muqueuses et dans un contexte pathologique, à être néfaste lors de la réparation du tissu, en fait une cytokine extrêmement intéressante à étudier dans le contexte des maladies des muqueuses.

Dans ce contexte, nous souhaitons étudier le rôle de l'IFN-λ dans l'inflammation intestinale, et comprendre comment l'IFN-λ naturel, produit en réponse à la flore intestinale, peut avoir un impact sur la pathogenèse des maladies auto-immunes de l'intestin telles que les MICI.

Nous explorerons cette question en utilisant plusieurs modèles différents, allant de modèles murins in vivo de MICI à des modèles in vitro de biologie épithéliale tels que des organoïdes intestinaux humains et murins et des modèles de cellules immunitaires murines et humaines.

Comprendre comment l'IFN-λ régule différemment la réponse immunitaire et épithéliale sera extrêmement utile pour concevoir des thérapies capables d'une part de favoriser le rôle anti-inflammatoire de l'IFN-λ, et d'autre part de limiter son rôle délétère lors de la récupération réparation tissulaire. 

Axe 2 : Comprendre l'effet de la malnutrition sur la réponse immunitaire.
P.I. Dr. Julie Tomas, CRCN

La lutte contre la malnutrition est l'un des plus grands défis sanitaires mondiaux. L'émergence précoce de la malnutrition a des conséquences désastreuses plus tard dans la vie et doit être évaluée à des stades très précoces pour comprendre pleinement la pathogenèse et les effets secondaires associés (infections récurrentes et maladies non transmissibles). Pour surmonter les limites de la recherche clinique chez les enfants malnutris, nous avons développé un modèle murin de malnutrition aiguë sévère (SAM) qui récapitule fidèlement les principales caractéristiques des états de malnutrition chez l'homme. Notre modèle murin permet l'évaluation simultanée des dérégulations physiologiques, métaboliques, immunitaires et du microbiome au niveau de la muqueuse intestinale. En outre, nous avons également pu mettre en évidence que la réponse immunitaire intestinale et le microbiote intestinal sont deux des paramètres clés à surveiller pour évaluer l'efficacité d’une intervention nutritionnelle. Pour réduire l'apparition de la malnutrition et ses effets secondaires, il est urgent de comprendre comment les thérapies actuelles peuvent être améliorées et transformées en traitements préventifs. En tirant parti de ce système, nous avons constaté de profondes différences dans la réponse des souris malnutries à la vaccination et à l'infection, ce qui reproduit les observations faites chez l'homme. Dans l'équipe, nous étudions comment compenser les effets secondaires de la malnutrition en utilisant des probiotiques, des métabolites bactériens, combinés ou non à une intervention nutritionnelle. Nous essayons également de comprendre comment la malnutrition affecte les réponses à la vaccination et aux infections, afin d'identifier des biomarqueurs et de développer des stratégies thérapeutiques efficaces.

Axe 3 : Déterminer comment la métabolisation des nutriments par l'enzyme Vnn1 affecte la réparation des tissus et les réponses immunitaires dans l'intestin.
P.I. Prof. Franck GALLAND, PU-AMU

L'exposition des tissus au stress a un impact profond sur leur fonctionnalité, en déclenchant la libération de motifs moléculaires associés au danger (DAMP) et en provoquant une réaffectation des ressources énergétiques vers les mécanismes qui régulent la protection, la réparation et la régénération des tissus. Cette restructuration des tissus perturbe l'acheminement des nutriments essentiels, de l'oxygène et du métabolisme cellulaire. Les périodes de destruction des tissus alternent avec des phases de régénération et au cours de ces adaptations dynamiques, les changements de concentration des métabolites intermédiaires sont contrôlés par des points de contrôle métaboliques. Certains métabolites sont échangés entre les cellules, façonnant les microenvironnements et influençant la résistance des tissus au stress, ainsi que l'adaptation immunitaire. Franck Galland, en collaboration avec le professeur Philippe Naquet au CIML, a co-découvert une nouvelle famille de molécules "Vanin". Le prototype de cette famille, Vanin-1 (Vnn1), fonctionne comme une pantéthéinase épithéliale, jouant un rôle régulateur crucial dans la tolérance au stress des tissus dans divers modèles expérimentaux de souris et de pathologies humaines. Franck Galland est activement engagé dans un projet de recherche qui étudie la voie Vnn1/pantetheinase, en particulier dans le contexte de la cytoprotection et de la reconstruction de la muqueuse intestinale chez la souris et l'homme. Cette exploration met en lumière l'importance du métabolisme de la vitamine B5 dans les interactions hôte-microbiote et dans la préservation de l'intégrité de la barrière intestinale colique. Par conséquent, cette recherche ouvre des perspectives thérapeutiques prometteuses.